mercredi 23 septembre 2009

Pour aller conter fleurette aux rues de Cali

Je sais que j'ai les yeux clairs, la peau blanche, les cheveux châtains, un accent affreux, une démarche bizarre, et un look exotique, entre autres attributs défectueux, mais prenons le Colombien par les cornes, faisons fi de son regard ébahi et insistant, et promenons-nous-dans-les-rues.

Haha, je vois que vous êtes déjà perdus. Bon, parce que c'est vous, je vais vous expliquer toute de suite pourquoi les Colombiens sont dôlement plus malins que tous ces messieurs historiques qui ont voulu mettre leur nom sur des plaques dans nos rues. En Colombie, si tu as l'adresse, tu ne peux pas te perdre. Je ne me perds pas, MOI, alors c'est bien la preuve (on ne rigole pas).

Les rues sont toutes perpendiculaires, pour commencer. Soyons clairs: Cali, c'est le chaos, ça se construit n'importe comment, dans tous les styles et toutes les directions, MAIS toujours en ordre bien carré s'il vous plaît.
Ensuite, il y a deux types de rues: les calles et les carreras. Pour trouver les calles, cherchez les cordillères: c'est celles qui sont parallèles aux montagnes. Si, si, levez les yeux, on les voit de partout, même de la fenêtre de mon appart. Les carreras sont les autres, toutes perpendiculaires aux calles.
Une fois que vous savez faire ça, c'est du gâteau. Les rues n'ont pas de noms mais des numéros. Et les numéros se suivent par ordre croissant: après la carrera 1 vient la carrera 2, puis la 3... Attention il y a des pièges: quelque fois vous trouverez par exemple la calle 11a, 11b, 11c, mais rassurez-vous, ça va toujours dans le même ordre, la 12 finira bien par arriver.

Exercice pratique: nous sommes dans la calle 11 avec la carrera 87. On veut aller a la calle 13 con la carrera 93. Qu'est-ce qu'on fait?


Gagné! On reste dans la calle 11, et on marche 93-87 = 6 cuadras, c'est-à-dire 6 pâtés de maison, pour arriver au croisement entre la calle 11 et la carrera 93; et maintenant on remonte la carrera 93 sur 2 cuadras pour arriver à la calle 13. Facile, hein?


Exercice pratique numéro 2 (attention, il y a un piège): comprendre l'adresse suivante:
Calle 3d, N° 64-80.
Qui s'y risque?


Bon, c'est un peu dur. Ca veut dire dans la calle 3d, à l'endroit où elle croise la carrera 64, au numéro 80.
A propos, c'est mon adresse, donc maintenant si vous voulez vous pouvez m'envoyez un cadeau! :D

PS: la Colombie est l'unique pays au monde où il n'y a pas de code postal, dixit Vladimir Rouvinski, le directeur de ma filière (eh oui, un Russe en Colombie... les miracles de la globalisation). Bon baisers de Cali!

vendredi 11 septembre 2009

Fincho en Cartagena, calor colonial "y ajam"

Ce titre, un peu pour étaler ma connaissance respectable du jargon colombien (si, si), et puis avec une touche costeña (de la côte) pour nous mettre dans le bain. El fincho, c'est le week-end: c'est l'abréviation de fin de semana, tout simplement. El calor, vous connaissez, et ça je vous en reparle dans un instant, et Cartagena est un bijou d'architecture coloniale, voilà pour le milieu. "Y ajam"... c'est là qu'on entre dans le délicieusement costeño. A prononcer à peu près comme "ahan" en français; c'est une expression qui veut dire à peut près tout, se dit dans toutes les situations et surtout ne sert à rien. Pour marquer votre approbation: "ajam". Quand vous parlez de la mer, des délices de Cartagena, vous pouvez terminer votre énumération ainsi: "y ajam". Quand vous demandez du riz et du poulet: "por favor, arroz, pollo y ajam". Quand vous n'avez rien à dire: "y ajam". Voilà, maintenant on est au diapason, on peut se lancer.


Je vous emmène faire un petit tour dans la ciudad murallas, la cité des murailles.


Cette photo en premier, parce que c'est ma fierté du week-end (admettez qu'elle est jolie). C'est le centre historique de Cartagena, al atardecer (quand le soleil se couche).



Et on fait demi-tour dans le temps: twiiiidzoooozooodozooom. Voilà: là c'est le moment où j'ai réussi à convaincre 3 Caleños de m'accompagner marcher dans le centre. Pas si évident, parce que le groupe s'est mis au rythme de vie des Costeños illico: et c'est toute une attitude. D'abord, être sinon noir, au moins bien hâlé, c'est quand même la côte des Caraïbes ici. On y a travaillé activement tout le week-end. Ensuite, économiser les mouvements autant que possible: marcher très lentement, tourner à peine la tête, s'éventer paresseusement. Etat d'esprit: tranquille. Doucement. Ajam, chévere, 'parse. (impossible à traduire et typiquement colombien; le sens c'est à peu près: ahan, génial, mon pote). Et ensuite, et c'est là le grand paradoxe qui vous donne la local touch: parler à une vitesse hallucinante (mais c'est peut-être en contraste avec le rythme moyen de marche) en avalant la moitié des syllabes et tous les s. Je n'y arrive pas encore.


Et l'explication de tout ça, elle vous frappe en plein dans la figure dès que vous descendez du taxi avec air conditionné: une chaleur inimaginable. J'avais mes lunettes: elles se sont couvertes de buée à la seconde où j'ai mis un pied dehors, comme quand on ouvre la machine à laver. Ensuite, on se tient debout, sous le choc, en essayant de comprendre ce qui nous arrive, et on regarde autour d'un air ahuri: tout le monde est pareil, suant à grosses gouttes avant même d'avoir levé le pied.




Quand le cerveau ralenti a enfin compris qu'il faut se mettre en mouvement, deuxième gifle: on manque d'air au bout de 10 mètres! On se met à haleter en roulant des yeux étonnés: il fait tellement humide qu'on ne peut respirer qu'à toutes petites gorgées, en ménageant l'effort.




Ca y est, ça demande quelques ajustements, mais on arrive à se déplacer sans se vider de toute son énergie. J'espère que vous êtes toujours partants, moi je ne m'arrête pas avant d'avoir fait 3 fois le tour de la ciudad.





Ah, vous vous demandez peut-être pourquoi des la cité aux murailles? Pour les pirates, bien sûr...
Haha! Marine of the Caribbean. D'accord, c'est de la triche, c'est une vieille photo, mais c'était trop tentant. Bon, on continue la promenade.











Ha, ce bonhomme était super content que je l'aie pris en photo. Dommage que vous ayez raté son sourire qui faisait trois fois le tour de ses oreilles, dans la pénombre on ne voyait que ses dents blanches :)
Je vous présente la belle Catalina et Giovanni, mes deux découvertes de ce week-end. Cata parle peu mais utile (elle détonne ici) et elle est de la Javeriana (une autre université: évitons le tropisme ICESI.) Gio danse comme un dieu et aime Aznavour et Amélie Poulain.



Ca ne se voit pas comme ça, mais j'ai lutté pour arriver à prendre des photos d'eux sans qu'ils posent. Les Colombiens ont une attitude extrêmement étrange vis-à-vis des photos. L'activité à la sauce locale consiste à se repeigner/remaquiller/changer de robe avant même d'oser penser à allumer l'apareil. (Pour les hommes, on passera seulement la main dans les cheveux pour se donner l'air négligé-décoiffé, et facultativement on peut mettre les lunettes de soleil). Ensuite, on se prend tous par les épaules ou par la taille même si on vient de se rencontrer, pour bien montrer qu'ici on est tous amis, même avec ces Français bizarres. L'étape finale: on se fige dans le sourire qu'on a étudié devant la glace et qui nous fait bien ressortir les yeux. Ca y est!! On est contents: on a 15 photos ab-so-lu-ment identiques, avec des fonds différents.



Ici, j'ai usé de mon arme fatale colombienne, tout ça rien que pour vous: battre des cils avec un regard intense pour paralyser le señor cerbère gardien des lieux, en lui décochant simultanément un sourire ravageur, pendant que ceux qui parlent sans accent français lui demandent si on peut entrer dans cette belle grande maison coloniale. Ca c'est le patio intérieur.

Superbe Catalina, presque sans poser. Tout Cartagena avait les yeux sur elle ce jour-là; ça me faisait de l'air à moi.


De vos yeux perspicaces, vous aurez décortiqué l'architecture typique: des maisons plus hautes, parce qu'il faut le petit balcon en bois, un toit en tuiles et surtout peindre la façade d'une couleur encore plus chouette que celle du voisin.








Viviana en pleine discussion apologéto-dramatique à propos des chontaduros du señor. Vous remarquez que le bonhomme d'en face lui fait de l'oeil avec ses mangues. Oui, je vous ai déjà parlé des chontaduros, vous voyez? Vous prenez des réflexes.


Celle-là est restée floue parce que j'ai tiré plus vite que mon ombre, et mon appareil n'est pas aussi fidèle compagnon que Jolly Jumper. Mais elle me plaît quand même; le petit monsieur en vélo transporte des fruits, des galettes et des petits pots de beurres dans son panier (bon, seulement des fruits, mais j'ai des rechutes de tradition perraultienne de temps en temps). Juste devant les murailles. De l'autre côté, il y a la route. Plus loin, directement la mer. Et plus loin (mais beaucoup, beaucoup plus loin): l'Europe.


Tire la chevillette, et la bobinette cherra!

(Carajo!!! vous voyez, ça recommence).


Là, il est à peu près 18h, le soleil commence à nous tourner le dos: pouf! les rues se remplissent de una, comme on dit ici (d'un seul coup. Oui, je tiens à ce que vous sortiez d'ici avec des rudiments d'espagnol colombien).



Cata a bougé, sinon ç'aurait été un portrait époustouflant sur fond urbain.



Cata et moi, on a accompagné ce jovial trompettiste à la voix, ce qui m'a donné l'occasion de faire montre de mon répertoire colombien. Très fière. Et lui s'est mis à faire des claquettes et à sauter pendant que Cata claquait des mains, mais j'avais déjà pris a photo à ce moment-là, et comme je vous l'ai dit mon appareil aussi a adopté le rythme des costeños.




Oh!!!! un autre touriste!!! Regardons-le fixement, ça nous donnera l'air local.



Les petits cafés sur la place de l'Eglise... Leurs altesses espagnoles conquérantes tenaient à leurs plaisirs occidentaux, tout de même. Jouer au petit indien ça va cinq minutes.




L'Eglise: là je vous avoue que j'ai renoncé à faire la touriste conventionnelle et à prendre ma photo de monument même s'il ne rentre pas dans le cadre. C'est Giovanni qui l'a prise, en pensant à vous.


Quand il y a de la musique, moi ça me donne envie de faire des tours.

D'accord, cette photo aurait été plus cool si on y voyait quelque chose, mais plissez vos p'tits yeux: dans le fond c'est écrit "Emerald certified by Colombian mines" (je vous ai dit que la Colombie regorge de richesses naturelles?); une calèche déboule tout azimut au coin de la rue, sous les yeux blasés des paroissiens basanés mais en blanc. En fait je voulais surtout que vous voyiez les deux bonshommes en noir, là-devant: j'en ai vu un se maquiller à la sauvette dans un coin, mais j'ai pas osé lui demander de m'en mettre aussi.


Les statues de fer sur le parvis de l'Eglise. On a pris moult photos (Gio a beaucoup aimé ces deux bonshommes-là, surtout) mais je vous les épargne, vous en avez un échantillon significatif ici.



Pendant que je m'évente de mon sombrero avec un grâce céleste (je l'ai chouré à Natalia, moi je n'ai pas encore trouvé l'âme soeur sombrero) le monsieur me prépare un chola'o: il pile de la glace et il empile des fruits dans un verre. Ca n'a l'air de rien comme ça, but you'd be surpriiiiiised toupdouptidoo.
PS: vous avez vu, là je suis rouge comme une écrevisse. Maintenant j'arbore un bronzage chic et raffiné, façon côte Caraïbes. (Oui oui, je vous montrerai, pas d'inquiétudes).


Cartagena est le bijou colonial de la Côte; mais on m'a expliqué que si à Cuba ils font l'effort de restaurer les maisons et les rues, ce sera la fin de la Cartagena touristique. Y ajam.