samedi 27 février 2010

Surprise, surprise

Les secteurs anti-bellicistes et anti-réélection de Colombie frissonnent d'excitation depuis hier apres-midi: la Cour Constitutionnelle a rejeté la possibilité d'un référendum pour voter une réforme constitutionnelle qui permettrait trois mandats consécutifs a un président.
Ca veut dire: finie l'ere Uribe, et éloigné le risque des mandats a rallonge qui se terminent en élection a vie. C'est contre les principes de la Constitution colombienne qu'un président reste 12 ans au pouvoir.

C'est vraiment une surprise, parce qu'Uribe est tres populaire. En Amérique Latine, la popularité c'est comme le mélange de différentes pommes dans un crumble: le secret de la réussite. Aprés l'indépendance, les pays latinos se sont tous armés de Constitutions bien ourlées qui ne permettaient meme pas une réélection; et puis arrive un ptit gars joliment tourné, bonne bobine, la langue bien pendue, monte a la présidence, fait trois petits tours et ne s'en va pas. Un petit discours etniciste par ici, beaucoup de clientelisme par dessous la table par-la, et zou! réforme constitutionnelle, vous pouvez me réélire (c'est seulement si vous voulez, bien entendu....)

Et en plus, dans le cas de la Colombie, c'était pire encore. Parce que non seulement le señor Uribe est cousin ou pote ou beau-frere de toute la classe économique qui compte dans les hautes spheres du pouvoir, mais en plus il pouvait compter sur un appui populaire indestructible, a cause de la guerrilla et des paramilitaires. Les deux mandats d'Uribe ont été concentrés sur les accords de démobilisation des groupes paramilitaires, d'une part, et sur l'extermination systématique des groupes guerrilleros, d'autre part (surtout les FARCs.) Et avec succes, en plus: il a réussi à démobiliser une grande partie des paras et à tuer ou extraditer aux Etats-Unis beaucoup de leaders guerrilleros importants et de narcos. La "sécurité démocratique", ça s'appelle. Evidemment, les politiques publiques pour réduire les inégalités économiques et sociales sont restées un peu sèches, mais on peut pas être partout. Et puis ça fait quand même joli sur les affiches, "deux leaders de la guerrilla éliminés en Equateur!" (les problèmes de violation de la souveraineté du voisin, on verra ça plus tard à l'heure du martini).

Mais finalement, vous voyez, on est jamais à l'abri d'un coup de pouce constitutionnel. Tous les statuts facebook de mes copains disent à peu près "YAHOUUUUUU! Enfin on va avoir une démocratie!!!!" Bien sûr, ce sont les commentaires des gens de l'ICESI, qui ont des sous dans la caisse et des livres dans la bibliothèque. Ca m'intéresserait beaucoup d'entendre ce que disent les agriculteurs dans le Magdalena Medio, qui a été ravagé par les paramilitaires, ou alors dans le Putumayo qui est une zone de base des Farcs. Je pense qu'ils sont plutôt déçus dans ce coin-là.

Parce que maintenant, il faut penser à la relève. On n'est plus très loin des présidentielles (la propagande envahit toutes les rues, chaque petit espace libre, c'est du délire) et les candidats se tirent la bourre. Reste à voir si ce qui viendra après ne va pas détruire tous les efforts d'Uribe pour en terminer avec les groupes armés en adoptant une tactique plus soft, ce qui minerait n'importe quel effort pour améliorer la situation du 42% de Colombiens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Un peu plus tard je vous ferai une mise au point des candidats et des grandes lignes de leur programme. Et je vous ai aussi promis une explication du conflit armé, c'est au four.

Il y a quand même un excellent point dans cette histoire: c'était drôlement inquiétant que la Colombie, démocratie stable depuis plus de 60 ans malgré la violence qui la secoue, réduise les chances de renouveau des institutions en permettant un troisième mandant consécutif aux présidents (n'importe quel président, tous griefs/adulation reconnaissante à l'égard d'Uribe mis à part). Un système politique doit s'oxygéner, et ça soulage de voir que c'est ce qui se passera. A voir comment vont se passer les présidentielles: il y a déjà eu 3 attaques des Farcs dans le Cauca alors qu'on est à trois semaines des élections au Congrès, et dans les journaux les découvertes de scandales de financement des campagnes et d'achat de votes pleuvent. Ca a toujours été comme ça et c'est d'ailleurs un peu mieux qu'avant, mais attendons voir.

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